Bouches de Bonifacio, la nuit.

La traversée fut tranquille. Nous avons quitté La Napoule au levé du jour et navigué à dix nœuds pour économiser le carburant. La mer était d’huile, les dauphins nous ont rendu visite dans le seul but de m’offrir quelque chose à raconter à la barmaid ce soir. Je dois travailler ma description d’un lever de Corse. D’abord les nuages accrochés aux reliefs, puis les montagnes et enfin la côte, ça je le tiens. En revanche je dois trop insister sur le caractère asymptotique de l’atterrissage sur Bonifacio, chaque fois elle décroche.

Elle n’est pas là aujourd’hui. C’est le patron qui tient le bar. Et à un patron corse, tu ne lui racontes pas des histoires de midinettes. Tout au plus tu lui dis merci quand il remet sa tournée plus souvent qu’à son tour. Surtout, malgré la curiosité que ça t’inspire, tu n’évoques pas le fusil à pompe accroché au mur entre le Casanis et la Pietra.

Mustapha : Qu’est ce qu’on fait là ?

Demoral : J’aime les petits troquets des petits ports.

Mustapha : Oui, moi aussi, mais pourquoi faire escale à Bonifacio ?

Demoral : Ben c’est la nuit.

Mustapha : Et tu ne navigues pas la nuit ?

Demoral : …

Mustapha : C’est ce qu’il y a de plus simple et de plus beau.

On décolle ?

On appareille !!!

Mustapha va dans sa cabine en me mentant de me relayer à la barre dans trois heures.

Il est cuit.

Comment ai-je oublié ?

La nuit tout est calme. La navigation se résume à suivre la lumière des phares et des balises. Ma première sortie de nuit remonte à mes six ans lorsque j’avais refusé d’attendre le retour de pêche de mon père avant d’ouvrir les cadeaux de Noel. A moins qu’il ne m’emmène avec lui.

 Pourquoi ai-je eu peur ?

Les feux rouge et vert marquent la sortie du goulot de Bonifacio. En venant du large, il faut laisser le rouge à bâbord et le vert à tribord. Comme je sors, fatalement je fais l’inverse c’est plus prudent. Je continue vers le large jusqu’à identifier six éclats lumineux  brefs suivis d’un long. C’est la cardinale sud des Lavezzi qui marque comme son nom l’indique, l’extrémité sud du redoutable archipel des Lavezzi. Selon le même principe, il suffit de se laisser glisser de proche en proche le long du canal entre la Sardaigne et les îles de la Maddalena. Je serre quand même un peu les fesses  au passage à terre de la Tavolara, c’est un peu étroit.  Puis l’eau est claire jusqu’au bout de la nuit.

Je coupe les feux de navigation,

je coupe les instruments de navigation,

je coupe toute source de pollution de ma voie lactée.

J’ai la révélation, Dieu est une luciole.

Au delà, je ne connais pas.

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2 réflexions sur “Bouches de Bonifacio, la nuit.

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