Au petit bar tabac (suite)

(Retour à l’embarquement.)

ou

(Au petit bar tabac, première partie.)

Nous reprenons nos places respectives sans même envisager de songer à présenter de vaines excuses. Les anciens ricanent. Les pochtrons nous dévisagent. Le capitaine à passagers allume une nouvelle cigarette. Le patron nous présente les deux verres de sa tournée sans mot dire. Dans ma tête Sergio Leone joue de l’harmonica et ma mère pleure son fils.

La psychette : Vous vous connaissez ?

Le patron : Il a débarqué un matin de la semaine dernière avec son sac de voyage prétendant arriver à pied de Porto Vecchio. Depuis il vient régulièrement mais à part pour commander et dire « bonjour, merci, au revoir » ce sont les seules paroles qu’il ait prononcées à ce jour.  

Demoral : ben quoi ?!? C’est pour pas déranger.

La psychette : Pour tes papiers, je crains qu’il ne te faille attendre le prochain alignement astral en espérant tomber cette fois sur une énarque. Par contre si tu te livres sincèrement, je peux éventuellement te démêler une ou deux pelotes de neurones et t’indiquer une piste à suivre.

Demoral : La dernière fois qu’on m’a proposé le divan, c’était pas pour y jacter de mon enfance.

Le patron : Ma hè stupidu.

La psychette : (Hè un eufemimentu). Plus personne ne s’allonge pour une analyse, c’est dans les film ça.

Demoral : Mais j’en sais rien moi !!! Comment on fait ? Faut dire quoi ?

La psychette : Commence par te souvenir de tes études. Peut-être as-tu laissé passer quelques signes d’un mal être.

Demoral : Disons que j’avais du mal à m’intégrer au sein de ce troupeau de terriens dont les préoccupations de petits bourgeois mal délangés me laissaient coi. Quand au coït, dix pour cent de filles dans la promotion dont neuf et demi accaparées par les possédants d’appartements, de voitures ou de forfaits de ski, ça m’a musclé le poignet droit.

Le patron : Parla bè in a vita vera, U picculu.

La psychette : Et le dernier demi ?

Demoral : Je l’aurais bien  bu cul sec si elle n’avait pas attendu le jour de remise des diplômes pour me déclarer sa flamme.

La psychette : Pas de vie sentimentale, donc, durant toutes ces années.

Demoral : Ha si ! J’ai vécu une histoire depuis l’année de terminale jusqu’à l’armée. Elle était incommensurablement plus intelligente que moi alors en fin de prépa elle a décroché une grande école parisienne quand je me suis échoué en seconde zone de province. Nous ne nous voyions que rarement. Notre union n’a pas résisté lorsque je suis retourné comme une loque chez mes parents après ma crise militaire. Aux dernières nouvelles, elle aussi a tout envoyé valser pour se consacrer à sa passion, la musique.   

La psychette : Tu ne manques pas d’air ! il t’en aurait fallu une deuxième ?

Demoral : Et une troisième même pourquoi pas. Le marin avec une femme dans chaque port n’est pas qu’une légende. C’est pas du vice, faut considérer ça comme du stage de perfectionnement continu. L’amour est assez vaste pour supporter le partage.

Le patron : Senza dubbitu, signorina, avete trattatu cù un pueta.

La psychette : Bon cette fois on y va, l’air frais te fera du bien.

Demoral : Malheureuse, on ne part pas sur la tournée du patron.

Elle se lève mutine et se dirige vers la sortie.

Le patron : Va petit, tu te débrouilles comme un chef.

Cupidon m’accompagne à la suite de la belle thérapeute.

Dieu s’en jette une dernière.

Chapitre suivant :

Pour l’illustration :

Vous allez au petit bar tabac en bas de chez vous.

Vous inculquez deux trois notions de Corse au patron.

( ça marche aussi avec le breton, le basque ou le ch’ti)

Vous buvez un coup à ma santé.

Prenez une photo, vous y êtes.

C’est pas de l’alcoolisme, c’est de la préservation de patrimoine national.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s